De la violence infligée aux femmes : Conflits et instabilité en République Démocratique du Congo!!

En temps de guerre, les chartes internationales insistent sur la protection qui devrait être octroyé aux femmes, enfants et vieillards. Bref de toute personne fragile et qui ne porte pas d’arme. Mais, les réalités des terrains de conflit montrent autre chose. L’être humain reste égal à lui-même en ce qui concerne les actes cruels, et ce depuis la nuit des temps. Dès que les équilibres sociétaux font défaut, il est capable de transgresser toutes les règles et c’est encore la femme qui paie le plus lourd tribut.

L’homme dans sa puissance martiale, appartenant à une armée plus ou moins régulière ou à fortiori à une milice mal contrôlée, n’hésite pas, après des semaines de délocalisation à profiter de l’avantage que lui procure son arme et son clan. Une fois, les victimes localisées et maitrisées, c’est à son prolongement phallique qu’il donne tout naturellement libre exercice. Déshonorant des mères de familles ou des jeunes filles, humiliant des maris et des familles et transmettant des maladies plus ou moins mortelles voir des viols pouvant donner lieu à des grossesses non désirées. Pas si loin de nous, le souvenir amer des soldats et milices serbes en Bosnie qui ont commis des viols systématisés sur des femmes bosniaques musulmanes, pendant plusieurs jours. Le but avoué est l’humiliation de ces musulmans et le changement de la race de leurs descendances. Décidément, les relents nazis n’ont pas été extirpés après la chute du IIIème Reich !

Quand on annonce dans la presse, avec un mois de retard, que 200 femmes (et jeunes hommes) ont subit des viols collectifs dans un pays africain, en l’occurrence, à l’est du Congo-Kinshasa, cette information passe sans attitrer une grande attention publique. Peut-être une certaine émotion chez quelques femmes ou plus risible, une demande d’enquête par le secrétaire général de l’ONU au gouvernement congolais ! Ça ne pousse jamais les journalistes ou autres philosophes et chroniqueurs à ouvrir publiquement le dossier des pays des grands lacs africains, afin d’informer l’opinion internationale sur ce conflit meurtrier (plus de cinq millions de morts) et qui dure depuis 15 ans. L’information permettra à l’opinion publique occidentale et par conséquent internationale, d’en savoir un peu plus sur ce conflit, de se passer des conclusions hâtives, qu’ils sont que de simples indigènes qui s’entretuent et s’agressent soit à la machette ou sexuellement, parce qu’ils ne sont pas civilisés. Des clichés hérités de la culture et propagande coloniales.

Au Congo-Kinshasa, les femmes Victimes de Violences Sexuelles (VVS) ont attiré mon attention dans la presse et les flyers des ONG, bien avant que je puisse m’y rendre pour travailler, un temps, dans une maternité du Kivu. Mon travail consistait à gérer les urgences obstétricales de la maternité et de répondre à d’éventuels problèmes médicaux ou chirurgicaux que pourrait manifester les patientes et notamment les victimes d’agressions sexuelles. L’ONG avec laquelle je suis parti, a construit sur un terrain attenant à l’hôpital, un local assez agréable pour accueillir ces femmes, au sein d’une sorte de village de mamans, loin des indiscrétions. Avec une infirmière et un psychologue congolais dédiés à les prendre en charge…

Il y avait entre 70 et 100 consultations par semaine, au sein du centre qui a été mis en place par cette ONG afin d’accueillir ces victimes, leur offrir ‘’un soutien’’ psychologique et le cas échéant des soins et des médicaments contre le VIH, à condition qu’elles consultent avant les 72 heures. Les patientes ont parfois des troubles psychologiques plus ou moins majeurs dues à la réminiscence des scènes de violence et/ou un sentiment de honte qui leur colle désormais à la peau.

Pour certaines ONG, VVS (Victimes de Violences Sexuelles) est devenu un label afin d’attirer la compassion et la générosité des donateurs surtout en Occident. Par effet compassionnel, et parfois de transfert, les femmes sont beaucoup plus sensibles à cette agression, plus violente symboliquement que la mort physique.

Alors les ONG et surtout les ONG féminines surfent sur cette problématique afin d’attirer le plus de dons afin ‘’d’aider’’ ces femmes victimes de violences sexuelles. Leurs projets tiennent souvent en quelques paragraphes : Accueil des femmes, conseils et dons de traitements anti VIH si l’agression est inferieure à 72 heures et faire un bilan et un « soutien psychologique ». Le tout est associé à des campagnes de sensibilisation de la population. Ensuite la victime devra rentrer chez elle, avec la hantise d’une nouvelle agression.

On estime que seulement une partie de ces victimes qui se manifeste, les femmes savent par expérience que si elles annoncent le forfait à leurs maris, elles risquent souvent l’expulsion pure et simple du domicile (hutte) conjugale voir le dénigrement par la tribu. Les avantages du conseil et du traitement préventif anti VIH sont bien minces par rapport aux risques sociaux encourus.

Quand le voyageur traverse le Kivu, la forêt luxuriante lui met plein les yeux. Un climat tropical permet deux saisons de pluie par an, rendant la forêt généreuse et verdoyante. Il n’y a qu’à tendre la main pour manger et il y a à manger pour tout le monde. Les paysans n’ont que faire des minerais que se disputent les rebelles ou du pouvoir d’une ethnie sur l’autre.

Mais l’insécurité est telle que pas mal de personnes ont abandonné tout simplement leurs champs. Le fait d’y aller devient une expédition risquée. Pour un homme c’est une balle ou un coup de machette et récemment des viols (eux aussi) et pour les femmes des risques élevées d’agression avec une vie sauve mais souillée. Brigitte, l’infirmière qui s’occupe des femmes violentées, m’a avoué qu’elle préfère acheter ses fruits et légumes au marché, que de tenter une expédition ‘’à haut risque’’ dans le champ familial.

Les ONG agissent sur cette problématique comme de l’aspirine face à une infection. Elles essaient de traiter le symptôme mais la racine du mal leur échappe apparemment. Alors, les ONG se concentrent sur la prévention secondaire (prévention des infections, en l’occurrence le VIH et des éventuelles grossesses qui pourraient survenir suite à ces viols). Et, rien sur la véritable prévention, primaire, celle de trouver une solution globale à la déstabilisation de la région.

Il y a une kyrielle d’ONG qui partage les grandes maisons de Goma (capitale du Nord Kivu) au bord du lac, possédant chacune un parc de 4×4 et un personnel expatrié et local. De plus en plus, elles remplissent le rôle de suppléant paramilitaire, maquillant les manquements des ‘’forces’’ de ‘’maintien de la paix’’ de l’ONU et l’indulgence des capitales occidentales. Est-ce le rôle des ONG de maquiller les forfaits des responsables de cette situation? Est-ce leur rôle de donner une ‘’bonne’’ conscience aux donateurs institutionnels et privés ?

Le rôle des ONG n’est il pas (aussi) de faire pression sur leurs gouvernements respectifs via l’information des opinions publiques et des coups de forces médiatiques. IL n’y a que cette voie qui poussera, peut être, les capitales occidentales à faire pression sur les capitales régionales (Rwanda et Ouganda) et sur Kinshasa. Ceci permettra un contrôle des différents rebelles et également des forces « régulières ». C’est la solution la plus plausible pour faire cesser ces troubles et cette insécurité.

Par ailleurs, les acteurs des ONG internationales, entretiennent sciemment ou inconsciemment, le cliché colonial. Pour les victimes paysannes, ce sont des soldats ou des milices noires, qui les pillent et les violentent. Et ce sont les gentils blancs, qui les accueillent (ou les font accueillir) dans des centres et leurs offrent une écoute, des soins et des médicaments. Une sorte de remake du travail des missionnaires pendant les temps coloniaux. Les paysans n’ont aucun moyen de savoir que les troubles dont ils sont victimes sont concoctés dans certaines capitales occidentales. Que les armes et munitions viennent des pays dits civilisés et que les équilibres régionales ne sont rompus que par le népotisme des dictateurs, soutenus par des pseudos gentils hommes blancs.

On a vu par le passé des appels au devoir voir au droit d’ingérence (dans les affaires des états) quand ceci arrangeait un certain lobby. On savait bien l’habiller par les grands principes de démocratie, des droits humains et de liberté. Mais quand il s’agit de pauvres femmes africaines indigènes, Ces ‘’bonnes consciences’’ tournent le dos et regardent ailleurs. A moins qu’il y ait quelconque intérêt à maintenir l’ex-Zaïre dans l’instabilité. Alors les pertes des hommes et des femmes ou de leurs honneurs ne deviennent que des ‘’dégâts collatéraux’’ d’une politique globale de domination.