Petites Frayeurs entre amis!!

Publié le 10/09/2015

Ma première journée au bloc opératoire de l’hôpital Omar ben Abdelaziz à Alep n’a pas été une sinécure. Oum Ahmed, la gynécologue d’Alep dite libérée ne voulait pas rentrer de la formation des sages-femmes qu’on vient d’effectuer à Bab Al Hawa sans qu’elle me prenne avec elle dans ses ‘’valises’’. D’ailleurs, je lui ai promis lors de la dernière formation que j’allais venir l’aider à Alep. Mais les conditions sécuritaires très mauvaises dans la ville et ses accès ont retardé ma venue de plusieurs mois.

Farida, seule gynécologue après le départ de sa dernière collègue il y a de cela un an et demi, doit faire face à des cas compliqués et qui dépassaient parfois ses compétences. Elle a appris à se débrouiller et acquis par conséquent de la volonté, de la prestance et un grand respect de la part de tout le monde.

Dès le matin, les patientes qu’elle ne pouvait opérer attendaient pour nous consulter et très vite le programme opératoire s’est rempli pour le jour même et les jours à venir. J’ai contacté le pharmacien pour voir s’il disposait d’instruments chirurgicaux dont j’aurai besoin, et me voilà en train de marcher dans la rue pour me retrouver dans le sous-sol d’une mosquée adjacente, ou de ce qu’il en reste, puisqu’elle était sérieusement amochée. L’hôpital s’élargit pour faire face aux demandes et tous les endroits accessibles sont bons à prendre. Les crises ont leurs propres nécessités et directives! Le pharmacien était en train de ranger les dons par spécialité, parfois perdu entre les instruments et leurs utilisations. Il tente de se débrouiller de son mieux vu que sa formation a été effectuée en Russie et certaines choses qu’on envoie sont parfois farfelues, et on ne connait pas toujours les finalités de certaines dotations. Parfois on trouve des éléments inutilisables dans les conditions des hôpitaux dits de terrain, comme cette table d’accouchement d’occasion trop large pour être mise dans les minuscules pièces disponibles.

La première intervention bien que longue s’est bien passée et au moment le plus délicat de la deuxième, une coupure d’électricité a eu lieu. En principe un autre générateur devait fonctionner afin de prendre le relais, mais les minutes passent, la patiente saigne et la lumière ne revient pas. Il fallait absolument suturer les vaisseaux. J’ai pu finalement assurer l’hémostase sous la lumière de deux portables !! La clim a bien évidement été suspendue également, les jeunes étudiantes infirmières ont commencé à ventiler l’air afin d’envoyer une brise dans une salle suffocante. Les sutures ont été faites et nous revoilà rassurés. La lumière a fini par revenir pour terminer cette intervention. Cette situation embêtante ne semblait pas inquiéter l’équipe outre mesure parce que cela fait partie de leur lot quotidien.

Tu devrais te munir d’une lampe frontale de secours !!
J’en ai une, mais j’ai juste oublié de l’emmener ce matin, m’a répondu Oum Ahmed, d’un air détendu.
Je suis descendu me reposer un peu en attendant la préparation de la dernière patiente programmée de cette journée. Une jeune femme qui vient de se marier et qui présente une cloison vaginale, provoquant des douleurs et une impossibilité de vie maritale. Ce n’est pas une urgence, mais la vie se doit de continuer à Alep. Dr Farida n’a jamais réalisé une intervention pareille, elle souhaitait apprendre la technique.

L’intervention est simple, mais ce qui va nous arriver n’était pas du tout prévu. La jeune femme fait un arrêt cardio respiratoire juste après l’installation de l’anesthésie, on court chercher du renfort et je me retrouve en train de masser le cœur. Heureusement, qu’elle a récupéré. L’absence de médecin anesthésiste – réanimateur, parti en Allemagne depuis un an environ est préjudiciable à l’hôpital, mais les chirurgiens n’ayant pas le choix devant le débit des patients blessés et des autres interventions se doivent de les opérer, se contentant des infirmiers anesthésistes. Ces derniers font leur maximum pour que le service continu, mais ne sont pas des médecins réanimateurs.

La force d’une nation sont ses élites et la Syrie se vide de ses élites. J’ai été un peu triste et en colère en cette fin de journée en pensant à tout ceci et on ne peut pas occulter la responsabilité de tous ceux qui voient le pays s’enfoncer et regardent ailleurs, que ça soit des gouvernements ou de simples citoyens, empêtrés dans leurs quotidiens..

A la suite de la photo du petit Aylan, on pouvait s’attendre à une réflexion de fond pour trouver une solution à ce peuple et un arrêt des combats ou du moins un arrêt de lancements de barils de TNT sur la population et qui font le plus de morts et de blessés et les futurs handicapés. Mais, on s’aperçoit qu’on ne discute que du quotas de réception de syriens par pays et ce sur les années à venir. Afin que la crise dure un peu plus… Pathétique et révoltant !!