Cabinet Injab de santé reproductive
C’est la mise en place d’un cabinet médical de santé reproductive pour y effectuer des consultations gratuites pour les réfugiées et les démunies. Ensuite pouvoir opérer les patientes dans des cliniques partenaires. Cette idée toute simple et dont la principale ressource est mon temps et mon savoir-faire a été combattue. Puis grâce à la patience et persévérance, on a fini par ouvrir et y apporter des soins et conseils.
Injab, les origines d’une idée !!
Il n’a pas fallu plus d’une semaine sur l’annonce de l’ouverture d’un modeste cabinet médical dans un quartier pauvre à Casablanca pour que les craintes de tout ordre et les supputations s’abattent sur lui et sur l’idée même qu’il porte. Sans prétention et sans moyens extraordinaires, j’ai voulu apporter une idée nouvelle à l’offre de soins existante au Maroc. Offre de soins décriée par la plupart des patients et des citoyens.
L’idée toute simple est de venir en aide aux réfugiés syriens et subsahariens qui sont une réalité au Maroc et qui sont exclus du système du fait de leur précarité. Et d’aider, bien évidemment, les marocains déracinés et démunis du fait de la migration rurale.
Cette idée n’est pas le fruit du hasard, ni d’un quelconque calcul politique ou pécuniaire. Elle est le fruit de plusieurs années de missions humanitaires en Afrique et au Moyen-Orient, de l’exercice en banlieues parisiennes où vivent justement les africains et maghrébins dans une précarité plus ou moins soutenue par les services sociaux de l’Etat français.
Au Maroc, l’aide sociale se résume à l’entraide entre personnes eu égard à la faiblesse des institutions. C’est pour cela qu’on remarque aisément des personnes, des enfants sur les bras jonchant les carrefours, d’autres, squattent les portes des mosquées, ordonnances à la main. Et la dernière trouvaille, ce sont les appels aux dons via les réseaux sociaux.
Depuis plus de dix ans, j’ai cherché inlassablement des financements pour un centre médical ou une structure pour venir en aide à mes concitoyens, qui sont ballotés entre un service public en difficultés pour ne pas employer d’autres mots et un service privé variable et souvent onéreux. Personne n’a répondu à l’appel, la spéculation immobilière a capté toutes les attentions. Penser à gagner de l’argent tout en rendant service est une donnée qui n’a pas sa place dans un monde capitaliste à outrance que même la foi n’arrive plus à adoucir.
Les années passent, l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) a permis la prise en charge d’un certain nombre de salariés affiliés à la Caisse de Sécurité Sociale et qui en ont été exclus injustement des décennies auparavant. Mais l’écrasante majorité des marocains est restée en dehors du système de soins.
L’idée d’un centre médico-social pluridisciplinaire a pris forme en compagnie de cadres et d’ingénieurs marocains. Les médecins ne peuvent pas imaginer autres formes de soins que celles auxquelles ils sont habitués. Connaissant les difficultés que rencontre toute idée nouvelle, je savais que le projet ne verrai jamais le jour parce qu’au Maroc, l’exercice de la médecine ne se fait qu’en public ou en privé. Les autres structures comme les polycliniques de la CNSS ou les deux complexes Cheikh Zaid et Cheikh Khalifa ont des législations spéciales et ils ne sont pas accessibles aux pauvres.
Alors je me suis rabattu sur l’idée de mettre en place juste un cabinet médical de santé reproductive qui est ma spécialité et y effectuer des consultations gratuites pour les réfugiées et les démunies. Ensuite pouvoir opérer les patientes dans des cliniques partenaires. Cette idée toute simple et dont la principale ressource est mon temps et mon savoir-faire dérange. Elle dérange le ministère de la santé qui m’envoie le 25 janvier 2016 une commission d’information, une semaine après la pré-ouverture annoncée du cabinet. Des médecins venus voir cet ogre et ce qu’il y a derrière, et non seulement cela, pétri de mauvaises intentions sur l’objectif. Ayant des doutes sur la finalité du centre, pardon « cabinet » parcequ’on m’a intimé de remplacer le mot « centre » et sur l’action médico-social, me demandant également de retirer le mot « social ». Comme si la médecine n’était pas une discipline sociale.
Vint alors les rapports aux patients, tout le monde prédit que je vais être submergé par les patients et que ces derniers par nature menteurs vont se faire passer pour des démunis. Comment puis-je pénétrer la conscience des gens et savoir s’ils mentent ou pas ? Et quand bien même ils mentiraient, ce n’est pas mon problème, c’est le leur. Mais détrompons-nous!La plupart des personnes qui se saigne pour payer des soins doit les retirer à d’autres dépenses, comme la nourriture de leurs enfants ou l’habillement, sans parler des loyers et des frais d’électricité. D’autres peuvent s’adonner à des comportements déviants comme le vol ou la prostitution pour payer les frais médicaux de leurs familles.
Depuis de longues années, j’ai essayé de travailler dans les hôpitaux publics marocains en souffrance. Aider, opérer des patientes, enseigner de nouvelles techniques, notamment la chirurgie par les voies naturelles et par laparoscopie. J’ai dit à la commission ministérielle, est-il logique que j’arrive à opérer et enseigner la chirurgie laparoscopique (sans ouverture du ventre) dans des hôpitaux syriens en guerre et que je ne puisse pas le faire au Maroc ? Et j’ai l’exemple d’hôpitaux équipés au prix fort mais le matériel non utilisé faute de formation et de volonté. Le perdant est bien évidement le patient, qui s’il veut profiter de nouvelles techniques , doit aller en privé. Encore une fois je parle des pauvres qui n’ont ni moyens, ni assurance santé et moins de chance de ‘’tomber’’ sur le bon praticien dans un CHU équipé.
Autre problème: celui des confrères généralistes installés dans le quartier, on pense (et c’est encore une intention) que tous les patients vont les désertés pour venir me voir parce que j’offre des soins gratuits. Ce qui n’est qu’une illusion, eu égard à mes capacités et possibilités d’exercice. Et si les médecins nouvellement installés ne voient pas beaucoup de patients c’est parce qu’ils sont nombreux dans un quartier neuf, et que les habitants de ce quartier n’ont juste pas les moyens d’aller les voir et d’ensuite passer à la pharmacie. J’ai rencontré une camerounaise souffrante qui n’avait même pas les moyens de descendre en ville pour demander de l’aide à Caritas.
Certes l’idée du projet de cabinet gratuit suscite la surprise, l’intérêt et parfois l’enthousiasme. Mais il suscite également la défiance et les spéculations. D’aucuns ayant une peur déraisonnée de l’idée devenue concrète, de menacer leurs intérêts bassement pécuniaires, penseront qu’il faudra tuer le projet tant qu’il est encore bébé. Comme un certain pharaon a souhaité faire avec Moussa, en exécutant tous les nouveaux-nés hébreux.
A ceux qui se sont enthousiasmer pour ce projet, sachez que le climat ambiant n’est pas fait pour encourager de telles initiatives, je le savais parce que j’ai grandi dans ce climat suspicieux et malsain. J’ai pris des risques en le mettant en place et je m’attends à d’autres difficultés ou intimidations. Je ferai de mon mieux pour tenir et donner ce que j’ai le plus cher qui est mon temps, ma santé et mon savoir-faire.
A suivre…