Dr Zouhair Lahna, médecin de guerre…entre la plume et le bistouri

Il est 5h du matin. Dr Zouhair Lahna est de garde dans un hôpital en France. Il est chirurgien obstétricien franco-marocain et membre de l’ONG Médecins Sans Frontières. Son engagement humanitaire ne le garde pas longtemps sur les lieux. Figure connue dans les milieux associatifs, il a participé à plusieurs actions humanitaires à travers le monde dont une opération en Afghanistan en 2001, au Congo en 2004, à Jénine en 2006 et à Gaza de 2009 à ce jour par intermittence où il occupe le poste de médecin de guerre à l’hôpital Al Shifa, le plus grand hôpital de Gaza. Il a en outre participé activement auprès des réfugiés syriens en 2012 et au Liban 2014 et a accompli des missions dans le Kivu et en Ethiopie. Ce globe-trotter humanitaire risque sa vie à chaque déplacement dans une zone de conflit ou de guerre.
De retour au bercail européen depuis septembre 2014, cet ancien Chef de clinique des Universités de Paris VII continue de suivre les nouvelles en Palestine à travers les médias et ses connaissances sur place : « la situation est toujours aussi pénible qu’avant comme on peut l’imaginer », déplore-t-il.
A chacun son combat…
Le seul médecin marocain en exercice à Gaza a choisi de renoncer au confort de l’exercice médical en Europe et de braver les canons afin de sauver des vies et aider à engendrer des vies. Et le bistouri n’est pas sa seule arme. Dr Lahna est l’auteur de carnets de guerre qui étalent au grand jour le linge sale des litiges politiques et le drame quotidien de leurs souffre-douleur.

Son expérience en Afghanistan, en 2001 juste avant le 11 septembre, a été aussi intense qu’en Palestine : « J’y suis parti avec Aide Médicale Internationale qui accomplissait une grande mission là-bas, raconte-il, puisque les médecins y partaient clandestinement lors de l’occupation soviétique, dans les années 1980. L’Afghanistan est un pays qui ne laisse aucun visiteur insensible et personne n’en revient indemne, mais je n’y suis pas allé pendant la guerre; je l’avais quitté juste après les attentats de New York. Malheureusement, je n’ai pas réussi à y retourner. J’en suis revenu malade.

Je suis parti après la fin du conflit aux Comores en 1999. Par contre, cette fois-ci en 2014, je me suis trouvé au centre de la guerre et témoin du massacre des palestiniens par centaines sans savoir vraiment comment et sans y avoir été préparé, parce que tout simplement personne n’a été préparé à être médecin ou chirurgien de guerre, bien qu’il y ait des livres à cet effet. Je pense que les médecins militaires sont certainement mieux préparés à ce genre de situation extrême et encore, il faut qu’ils puissent vivre des conflits. »

Les réseaux sociaux à la rescousse de l’Histoire
Dr Lahna a choisi les réseaux sociaux pour publier ces carnets et soutenir les causes nobles: « Très difficile de s’occuper correctement des tous les blessés qui arrivent, parce qu’il faut faire vite et bien (…) Dans une atmosphère pareille, on a l’impression d’être celui qui cherche les âmes dans les corps, sont-elles encore présentes ou déjà parties? Une bonne dose de foi et d’humilité sont nécessaires pour vivre entre ces deux états d’âme sans flancher ni déprimer. Assister malgré les efforts de sauvetage, au départ ultime. »

Ses carnets sur la Syrie sont tout aussi éloquents et témoignent du calvaire vécu au quotidien par les Syriens depuis le début de la guerre civile : « Le niveau de santé dans la Syrie dite libre a subi une régression patente, que ce soit par la destruction délibérée par le régime des hôpitaux ou la fuite des médecins. En effet, tout médecin qui soigne des manifestants et des combattants est considéré comme collaborateur et par conséquent ennemi du régime. Cette dichotomie absurde et les différentes arrestations et même meurtres de médecins ont obligé un grand nombre d’entre eux à quitter le pays. Ceux qui restent sont vraiment de courageux résistants qui risquent des représailles personnellement ou par le biais de leur famille, ou carrément la mort. (…) Celui qui sauve une seule vie sauve l’humanité entière. »

Le guerrier ne prétendra au repos que lorsque le monde aura cessé de s’entretuer et que cesseront l’injustice et l’oppression. Le devoir appelle en Turquie puis retour en Syrie, mais aussi tout près, dans son pays d’origine. Dr Lahna entendait ouvrir un centre de santé pour les réfugiés syriens et sud-africains, Injab, ainsi que les patients marocains dans l’indigence, pour les mamans et leurs enfants, dans le quartier le plus peuplé par ces laissés-pour- compte, L’Oulfa à Casablanca. Malheureusement, la bureaucratie ne l’entendait pas de cette oreille