Mortalité maternelle

Que peut faire la société civile ?

Ces derniers temps, on parle beaucoup des femmes. C’est peut-être dans l’air du temps, un sujet porteur pour les uns, une opportunité pour mettre en avant des revendications pour les autres.

Pourtant, on devrait s’occuper des femmes en permanence, surtout en matière de santé reproductive, afin de protéger les plus démunies d’un décès en couches ou de séquelles qui envenimeront le reste de leurs existences.
Les enquêtes menées au Maroc, portant sur le décès maternel durant la dernière décennie, montraient une mortalité quotidienne de trois à quatre femmes en couches, soit le chiffre impressionnant de 14.000 décès par an ! Et on estime à 20 fois plus de morbidité invalidante pour celles qui ont échappé à la mort.
Cette morbidité est représentée par des déchirures du bassin non recousues, des pertes urinaires voire des selles suite à des lésions non réparées, des fistules (communications) entre la vessie et le vagin ou encore entre le vagin et le rectum.

Pourtant, cette plaie sociale qui laisse des enfants orphelins et des familles décomposées n’est pas tout à fait une fatalité. Tous les experts en mortalité maternelle dans le monde savent que les complications qui peuvent survenir lors d’un accouchement ne sont ni prévisibles ni évitables mais peuvent être traitées si elles sont prises en charge à temps et dans des conditions adéquates.
Au Maroc, on a commencé à construire des maisons d’accouchements et même des hôpitaux dits de proximité, grâce à la collaboration de l’Union européenne, des Etats-Unis ou à des emprunts de la Banque mondiale.
Résultat : 400 maisons d’accouchements ont été construites et équipées dans le cadre d’un programme de priorités sociales.

Cependant, les centres sont peu fréquentés et on estime que six Marocaines sur dix continuent à accoucher dans leur domicile familial.
Ceci est principalement dû au fait qu’il existe des problèmes structurels qui n’encouragent pas la femme enceinte et sa famille à recourir à l’assistance qui lui est proposée.
D’abord, le manque du personnel, surtout les sages-femmes. Et même s’il y en a quelques-unes qui acceptent d’aller travailler dans les campagnes et s’accommodent d’un minimum de confort, elles se découragent rapidement et cherchent par tous les moyens à quitter leurs affectations. En plus de cela, on se retrouve avec des jeunes femmes de 22 ou 23 ans qui n’ont jamais quitté le domicile parental et qui n’ont jamais été habituées à l’exercice en milieu rural.

Sortant directement de leurs instituts, elles n’ont pas eu le temps d’acquérir une expérience suffisante pour faire face, toutes seules, à d’éventuelles complications.
Autre problème non moins d’importance est le moyen de locomotion des femmes enceintes de leurs domicile jusqu’ à la maison d’accouchement, à supposer qu’elle trouve quelqu’un pour les accueillir !
Aussi, dans ce domaine très sensible, la politique de santé publique gagnera beaucoup en se faisant avec la collaboration des populations concernées.

Le budget de la santé publique est ce qu’il est, il serait bon d’intéresser la communauté aux projets qu’on leur propose, de les faire participer et de les écouter aussi.
La naissance un peu partout au Royaume d’associations locales de développement offre un très bon partenariat pour permettre l’accès aux soins à la population rurale.

Un partenariat local
L’idée est de recruter et de former des jeunes femmes issues des villages et qui ont acquis un niveau minimum d’études afin de les rendre en quelques mois des agents de santé communautaires. Ces jeunes femmes ne disposeront pas de soins proprement dits, elles feront de l’éducation à la santé, de la surveillance (grossesse, diabète par exemple) et surtout elles établiront le lien entre les villageois et le centre de santé ou le dispensaire. Les moyens de locomotion sont à imaginer et à trouver sur place pour privilégier la pérennité.

On pourra aussi aider à la création d’une caisse pour rémunérer ces agents de santé, le chauffeur de l’ambulance et l’entretien de cette dernière. L’objectif en fait est de responsabiliser la population vis-à-vis d’un sujet qui les touche intimement. Ce premier pas franchi, les femmes et les hommes s’approprieront le projet qui devient par conséquent le leur et étonneront, alors, par leurs idées et leurs savoir-faire. Un projet similaire est actuellement en train de se mettre en place dans la région d’Asni.
Dr Zouhair Lahna, Médecins Sans Frontières

écris en 2008 sur le matin